À cause du Covid 19, je n’avais plus vu ma fille en Guyane depuis deux ans… et voilà qu’elle me propose comme « motif impérieux » un remplacement de médecin en Maison d’accueil Spécialisée…
Du haut de mes 70 ans j’accepte le défi ! Cet établissement héberge soixante personnes, plutôt jeunes porteurs de sévères pathologies psychiatriques ou mentales, qui rendent la vie au quotidien problématique. Pourtant cela n’empêche pas les soignants de m’affirmer avec un large sourire (derrière le masque !) que pour eux ces personnes sont comme leur père, leurs frères ou leurs sœurs et au fil de ces trois mois je le constate émerveillée et me laisse prendre avec joie à ce jeu de l’amitié tout azimut.
Lorsque je commence mon service en juin, les trois quarts des résidents sont vaccinés et seulement 20% environ du personnel… et l’inquiétude pour l’équipe de direction s’accroît à l’annonce de la vaccination obligatoire pour le 15 septembre alors que parallèlement les chiffres en Guyane s’affolent… Que se passerait-il si le personnel devait s’arrêter ?... Cela semble inimaginable de fermer cette structure mais la perspective d’embaucher au pied levé du personnel non formé paraît irréaliste compte tenu de la fragilité de nos amis. Les raisons des non-vaccinations sont nombreuses : croyances diverses, raisons politiques, influences affectives, rejet de ce qui est imposé par la métropole, peurs de toutes sortes et idées préconçues… J’écoute et essaie de comprendre et je vois surtout que les repères scientifiques sont pratiquement absents.
Alors je propose une formation sur « la belle histoire de l’ARN messager » en commençant par le prix Nobel de médecine en 1965 attribué à trois français André Wolf, Jacques Monod et François Jacob pour leur découverte de l’ARN messager en passant par l’incroyable pugnacité de Katalin Kariko chercheuse hongroise née en 1956, qui, dans les années 1980 a dû passer le rideau de fer avec comme tout bien un peu d’argent liquide dissimulé dans l’ours en peluche de sa fille pour pouvoir poursuivre ses recherches aux États-Unis.
Elle a subi ensuite plusieurs revers et des mises au placard avant qu’en 2005, soit enfin envisagée l’utilisation thérapeutique de l’ARN messager… arrivent alors ses premiers succès, et en particulier les espoirs suscités pour le traitement de certains cancers. À l’arrivée du Covid 19, la possibilité de développer un vaccin à partir des expériences accumulées s’impose… Oh ! Elle ne s’est pas enrichie. Elles reste une personne humble, heureuse d’avoir pu sauver quelques ( !!!!!!) personnes par son travail et celui de son équipe. Aujourd’hui, elle a repris sa recherche sur le cancer… espérons !
Puis je me lance dans l’explication du fonctionnement de l’ARN messager... Je suis surprise de l’écoute, des questions et de l’intérêt. Les hésitations restent, bien sûr, mais au fil des jours je reçois à leur demande et individuellement l’un ou l’autre, y compris le personnel de nuit, de cuisine ou administratif... au jour de mon départ environ 75% à 80% étaient vaccinés et la structure peut continuer à vivre sa belle vocation. Je remercie d’avoir pu, avec beaucoup d’autres anonymes, apporter ma petite contribution.
Je repense à ce que disait le Pape le 18 août dernier : « Se vacciner est un acte d’amour. Et contribuer à ce que la majorité des gens soient vaccinée est un acte d’amour »
Catherine Visart